Les dents de la mer

Les Dents de la censure

 

 

 

Comme c’est l’été, évoquons un film de mer et de plage : « les dents de la mer » (1975).

 

Je l’ai vu et j’avais 9 ans. Ce film est sorti avec un très grand battage. L’affiche était déjà terrifiante : un énorme requin mâchoire ouverte et dents aiguisées fonce telle une flèche sur une jolie naïade en bikini. On retrouvait cette image partout dans les magazines. Tous les enfants voulaient voir ce film qui les fascinait et les effrayait en même temps. Ca jasait dans les cours de récréation. Sauf que le film était interdit aux moins de 12 ans en France. A priori aucun élève de ma classe ne pouvait aller au cinéma pour « les dents de la mer ». Cette interdiction rajoutait au désir de voir le film. Mais à cette époque pas d’internet pour télécharger (ni de vhs, ni de dvd, ni de clé usb …). La seule solution c’était d’aller au cinéma et ce n’était pas si évident d’enfreindre l’interdiction.

 

Un peu après la sortie du film nous avons passé des vacances de Pâques en Suisse à Wengen. Ce fut mon apprentissage du ski mais aussi du film de terreur et d’aventures puisque j’ai vu « les dents de la mer » pendant ce séjour. Il y avait un cinéma, une sorte de ciné club pour les vacanciers dans cette station de sports d’hiver. Aucune interdiction aux moins de 12 ans à la caisse, nous y sommes donc tous allés en famille. J’ai ainsi vu le film en VO doublement sous-titré en allemand et en français. En plus comme la salle ne disposait que d’un seul projecteur il y avait un entracte entre les deux parties du film (les attaques puis la chasse au requin) très salutaire pour nous remettre de nos émotions. Comme beaucoup je fus terrorisé. C’était d’autant plus absurde que dans mon cas j’étais … à la montagne … et après la vision du film je craignais qu’un requin vienne m’attraper les jambes … dans mon lit !

 

 

 

De retour en France et dans ma classe j’étais très fier d’avoir vu le film. Un autre garçon l’avait vu aussi, le « caïd » de la classe, il avait bravé l’interdiction. Mais comme c’était un « mauvais élève » il ne pouvait pas raconter le film à toute la classe … moi – estimé comme élève studieux -  je profitai d’un exercice d’expression orale pour en faire le récit complet devant un auditoire attentif. Je me régalai de traduire avec moult détails les scènes d’horreur, les membres arrachés (cette fameuse scène de la jambe coupée qui tombe au fond de la mer … avec une chaussure de sport au pied …), la capitaine Quint coupé en deux … C’est alors que je fus brutalement censuré par l’instituteur par un « Ah ça suffit ces conneries ! ». Les dents de la censure avaient frappé ! Coupé net je me rassis à ma place.  L’instituteur partit dans une diatribe contre ces films violents qui ne devraient jamais voir le jour. Eux, ces maîtres de « l’Institution Ste Croix »  étaient adeptes d’une autre violence, les coups de pieds, les paires de claques, les humiliations sur les enfants, proies faciles et sans défenses pour ces monstres bien humains. Cette violence était admise et acceptée par les adultes, les parents au premier rang. Ca, ce n’était pas du cinéma.

 

 

 

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